Arjuna sur son char conduit par Krishna :
les chevaux partent dans toutes les directions symbolisant les 5 sens qui égarent le mental.
Le contexte
La Bhagavad Gita est une partie du Mahabharata, le long poème épique indien composé sans doute entre les IVeme et IIIeme siècles après JC et qui relève de la tradition indienne. Le sujet du Mahabharata est les luttes entre deux clans d’une même famille pour la souveraineté d’une ville du nord de l’Inde : Hastinapura dont les vestiges se situent au nord-est de Delhi, le long du Gange.
La Bhagavad Gita est une partie autonome du Mahabharata, au caractère sacré, et qui raconte le moment où le combat va commencer. Bhagavad Gita signifie « chant du bienheureux Seigneur ». Le texte se présente sous la forme d’un dialogue entre Sanjaya, conducteur du char du roi Dhritarashtra et le roi lui-même, aveugle. Sanjaya lui relate les évènements et en particulier le dialogue qui s’installe sur le champ de bataille entre Arjuna et Krishna.
Arjuna
Arjuna est l’un des 5 princes de la famille Pandava, il est connu pour ses talents d’archer et son courage. Krishna est son parent et il conduit le char d’Arjuna. Krishna est aussi un avatar de Vishnou, dieu de l’équilibre du monde et, rapidement lors du dialogue, Krishna revêt le caractère de l’Absolu personnifié, le Seigneur.
Le combat va donc commencer entre les 5 frères Pandava, fils de Pandu, dont fait partie Arjuna, et les 100 Kaurava (Duryodhana et ses 99 fils). Pandu et Duryodhana sont frères et les cousins se retrouvent donc face à face sur le champ de bataille pour la conquête du pouvoir. Avant cela tout a été entrepris pour trouver une solution, jusqu’à ce que le royaume ait été joué aux dés, mais les Kaurava ont triché et les Pandava se sont laissé abuser. Le combat est la dernière solution.
L’enseignement
Arjuna valeureux combattant demande à Krishna de le mener entre les deux armées avant que la bataille ne soit lancée. Là, devant sa famille, ses proches qu’il s’apprête à affronter il s’écroule.
Chant I-28 à 30 : « o Krishna, quand je vois les miens désireux de combattre, préparés (à le faire), mes membres défaillent, ma bouche se dessèche, le frisson s’empare de mon corps, mes poils se hérissent, mon arc Gandhiva me tombe des mains, ma peau est toute brulante, je ne puis tenir debout et mon esprit semble pris d’un vertige ». Krishna ne perçoit plus quel bien pourrait résulter du sacrifice des vies des siens pour la convoitise d’un royaume. Il se place en disciple et demande à Krishna de l’instruire.
Krishna répond chant II-18 « ces corps ont une fin ; l’esprit qui s’y incarne est éternel, indestructible, incommensurable. Voilà ce qu’on proclame. C’est pourquoi combats, fils de Bharata ». L’âme incarnée est éternelle il n’y a donc pas lieu de s’apitoyer sur elle. La mort est certaine, inéluctable, donc il n’y a pas lieu de s’apitoyer sur elle non-plus (chant II-27).
Chant II-37 et 38 « Ou bien tué au combat, tu gagneras le ciel, ou bien victorieux tu jouiras de la vaste terre ; ainsi donc lève-toi résolu au combat, ô fils de Kunti ! Tenant pour égaux plaisir et peine, profit et perte, victoire et défaite, rassemble tes énergies pour le combat, ainsi tu ne souffriras aucun mal. » et II-47 « tu es commis à agir mais non à jouir du fruit de tes actes. Ne prends jamais pour motif le fruit de ton action ; n’aie pas d’attachement (non plus) pour le non-agir ».
A Arjuna qui demande comment se comporter pour atteindre ce niveau de sagesse, Krishna répond que « l’homme qui rétracte et rassemble totalement ses facultés sensorielles loin des objets sensibles » est « confirmé en sagesse », libre de tout attachement aux plaisirs, affranchi de la convoitise, de la crainte ou de la colère.
L’homme, malgré ses efforts, voit son esprit entrainé par ses sens, « il faut les maitriser en se rassemblant et en se maintenant dans la discipline du yoga et ne se soucier que de Moi. Qui tient les sens en son pouvoir, c’est celui qui est confirmé en sagesse. L’homme accorde continûment sa pensée aux objets des sens il s’ensuit qu’il s’attache à eux. De l’attachement nait en même temps le désir ; au désir s’ajoute la colère», chant II-61et 62.
Peur de perdre et colère mènent à l’égarement, à la perte de notre faculté de discrimination, l’être s’éloigne du Soi, de sa conscience profonde.
L’enseignement que délivre Krishna est le suivant : se défaire de l’emprise des sens et donc des désirs, agir sans considération pour le futur, qui n’existe pas, sans prise de bénéfice personnel, mais simplement en acceptant le rôle qui nous est assigné de par notre karma, notre histoire, dans l’instant.
Il s’agit donc de laisser la vie suivre son cours sans chercher à retenir ni les objets, ni les liens affectifs, ni les jouissances, ni la vie.
Source:
La Bhagavad Gita, Anne-Marie Esnoul Olivier Lacombe, Coll Sagesses, Ed. Points
La Bhagavad Gita, commentaire du texte intégral par Swami Chinmayananda, Ed Trédaniel poche